De la crypte à la flèche : les étages de la liturgie dans les églises
Crypte, sanctuaire surélevé, plateforme du jubé, tribune monastique en hauteur, galilée clunisienne, clocher-porche, Westwerk, chapelles hautes, flèches … L’architecture d’une église médiévale, qu’elle soit carolingienne, romane ou gothique, se décline en hauteur. Mais si la multiplication des espaces liturgiques, du sous-sol au faîte d’une tour, semble disperser des lieux particuliers en apparence autonomes, au risque d’une fragmentation de la communauté, l’unité de chaque église reste un intangible, à l’image de l’unité de l’Eglise. Ainsi, une fois la construction de l’édifice achevée, la consécration d’une église est célébrée au même moment dans le sanctuaire et dans la crypte par plusieurs évêques. Et, sur le plan liturgique, on sait que dans les avant-nefs clunisiennes, les moines montés dans la chapelle haute chantaient à l’unisson des moines installés dans le choeur : c’est, dans la galilée de la priorale romane de Paray III par exemple, la fonction dévolue à la grande baie qui fait commmuniquer la chapelle Saint-Michel avec la nef.

Quels usages et quelles symboliques sont attachés à chaque lieu ? Les cryptes sont des lieux de mémoire, de pélerinage, d’intimité. de nombreux sanctuaires en Italie leur doivent leur position surélevée : les cryptes de plain-pied emportent l’autel majeur plusieurs mètres au-dessus de la nef et des fidèles. Sur la plateforme du jubé, où se dresse l’autel de la Croix, se tiennent des clercs chantant pour les fidèles à l’unisson des chanoines. Les choeurs surélevés des moniales permettent à ces femmes qui observent des voeux rigoureux de participer aux messes au mileiu des fidèles en se faisant entendre, mais sans jamais se laisser voir. Quant aux chapelles hautes, comme dans l’abbatiale de Saint-Denis, elles peuvent recevoir la visite des anges auréolés de lumière. Mais dans ses dimensions verticales, l’architecture de l’église affirme l’espoir du salut. Aux tombeaux qui occupent le sous-sol des nefs, les profondeurs de chapelles funéraires ou les espaces réservés des cryptes royales, répond la flèche qui monte d’un jet vers le ciel. La flèche, la flèche unique au monde, est une extraordinaire innovation du Moyen Age. Elle porte à la pointe de sa charpente le coq de métal qui guette jour et nuit l’irruption du mal et réveille la communauté à son approche. Mais elle est destinée aussi à accueillir les archanges envoyés du ciel.